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Jamais des élections primaires américaines n'ont autant passionné en France. Face à une bataille inédite entre une femme et un Noir pour l'investiture démocrate, le public en redemande. Et, outils technologiques aidant, il va plus loin en créant lui-même sa propre offre. Blogs, associations, groupes sur Facebook : les initiatives se multiplient un peu partout, avec le web comme point de départ. Et elles se tournent généralement vers un candidat : Barack Obama.
Cette "Obamania" a commencé à déferler en janvier, après les victoires du sénateur de l'Illinois lors des premiers scrutins. Jusqu'alors, même si on croisait quelques Français dans les meetings des Américains de Paris ou si quelques-uns tenaient un blog sur le site officiel de Barack Obama, c'était surtout des pro-républicains qui menaient symboliquement campagne à leur niveau depuis Paris
"Fais quelque chose"
Entre des blogs très informatifs, des forums ou la création de groupes parfois éphémères sur Facebook, ces initiatives pro-Obama sont assez disparates. Plusieurs sortent du lot, et une s'est vraiment imposée. Il s'agit du "comité français de soutien à Barack Obama". Il est né de l'idée d'un étudiant en école en commerce, Samuel Solvit. "J'ai découvert Barack Obama début 2007 lorsqu'il a annoncé sa candidature. Il m'a de tout de suite interpellé. Son élection changerait la politique américaine et aurait un impact sur le monde car il mènerait une autre diplomatie. En France, elle serait notamment un exemple pour l'intégration des minorités et le multiculturalisme", explique-t-il. "Quand j'abordais avec passion le sujet, les gens me disaient : 'vas-y, fais quelque chose", se rappelle le jeune homme de 22 ans, qui n'a jamais milité dans un parti politique en France.
Au début des primaires, Samuel Solvit lance un site internet, assez dépouillé, et financé sur ses propres fonds pour l'hébergement. Il crée également une association loi 1901, dont il est naturellement le président. Très rapidement, la mayonnaise prend. Après la fusion avec le principal groupe de soutien créé sur Facebook, l'équipe et la base de sympathisants grossissent -Samuel Solvit en revendique aujourd'hui environ 1 000, attirés par une adhésion gratuite.
Grande conférence
Parallèlement, il démarche, à coups de mails et de relances téléphoniques, les personnalités politiques et médiatiques. Objectif : obtenir leur soutien. Et il en ferre quelques-unes. Son comité d'honneur, qui se construit petit à petit, compte ainsi dans ses rangs Yamina Benguigui, Bertrand Delanoë ou encore Axel Poniatowski, député UMP et président de la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale. "Nous sommes totalement a-politique", tient à préciser Samuel Solvit.
Outre le web, utilisé comme "vitrine" mais dont l'impact est néanmoins limité, Samuel Solvit entend surtout désormais mener des actions concrètes. Avec comme idée d'expliquer sans sombrer dans l'"Obamania" aveugle. "Nous ne sommes pas un fan-club. Nous voulons ouvrir et stimuler le débat en France sur ce qu'Obama apporte", souligne-t-il. Mardi 3 juin, jour des dernières primaires, une conférence sera ainsi organisée à Sciences Po-Paris. Le thème : "L'effet Obama en France", évidemment. Objectif : atteindre au moins les 400 participants.
De l'outre-mer aux socialistes
De manière plus ciblée, Christian Bidonot, un éditeur antillais installé en région parisienne, a créé pour sa part l'association "Outre-Mer Obama Organisation". Comme son nom l'indique, elle s'adresse essentiellement aux ultra-marins -200 adhérents, payants, pour l'instant. "Obama prouve à notre jeunesse, que malgré des origines modestes, on peut partir de rien et y arriver", lance Christian Bidonot, dont les t-shirts fabriqués à l'effigie de son héros portent l'inscription "Race doesn't matter" (peu importe la race).
De son côté, Nicolas Bays, un membre du Parti socialiste, invite les militants à le rejoindre sur Facebook. "En tant que socialiste, et vu l'impact qu'aura l'élection, ce n'est pas incongru de nous positionner. Il me semble que Barack Obama est le plus proche de nos idées", explique ce militant de la fédération du Pas-de-Calais. Si certains leaders du parti l'ont rejoint, tous le font à titre personnel et le PS n'a officiellement pas pris parti.
"Ce n'est pas une leçon de morale"
Evidemment, une question revient toujours aux oreilles de ces pro-Obama : "à quoi cela sert-il" ? La question est simpliste, mais légitime puisque ce ne sont pas les Français qui votent et que les Américains prennent rarement en compte l'avis d'autrui pour faire leur choix. "Dire cela, c'est comme dire 'ça ne sert à rien d'aller voter car ma voix est perdue parmi 35 millions'", réplique Samuel Solvit. "Evidemment, cela ne jouera en rien dans la face de l'élection. Ce n'est d'ailleurs pas notre but et nous nous ne sommes pas naïfs. Nous voulons simplement, à notre niveau, apporter une pierre à un projet global, et engager un vrai débat d'idées".
Au-delà de l'intérêt ou non de tels comités pro-Obama, une autre interrogation vient à l'esprit : même si le "french bashing" est moins à la mode qu'en 2003, l'image de la France reste globalement négative outre-Atlantique. Ces soutiens venus de l'Hexagone ne peuvent-ils pas jouer, in fine, contre le sénateur de l'Illinois -en 2004, John Kerry faisait ainsi tout pour cacher sa francophilie ? "Mais de quoi ces Français viennent-ils encore se mêler" pourraient ainsi fulminer les Américains. "Soyons clair : ces soutiens, dont le mien, sont surtout symboliques. Nous n'avons pas à nous immiscer dans le débat et à l'Assemblée, nous travaillerons avec le vainqueur, quel qu'il soit", lance Axel Poniatowski". "Notre but, n'est pas de donner des leçons aux Américains mais au contraire de les féliciter de créer de telles avancées sur le plan racial", renchérit Samuel Solvit.
Mais, relève Nicolas Bays, "c'est vrai qu'il faudra faire attention lors de la campagne à l'automne. Je pense que Bush a gagné beaucoup de voix en 2004 car le monde entier s'opposait à lui. Mais cette année, la situation est différente : ce n'est pas un mouvement 'contre', mais un mouvement 'pour'. D'ailleurs, ce n'est pas propre à la France. Cela donne une réelle stature internationale à Barack Obama", note le militant socialiste.
"Les Américains veulent être aimés"
Tout d'abord sceptiques, les responsables démocrates expatriés à Paris confirment et approuvent finalement ces soutiens. "Au début, j'étais évidemment étonnée. Mais aussi méfiante devant l'initiative de Samuel et je ne voulais pas trop m'engager lorsqu'il m'a contactée", reconnaît Constance Bordes, vice-présidente de Democrats Abroad France et qui, en tant que super-déléguée, a pris parti pour Barack Obama. "Souvent, les candidats n'apprécient pas spécialement les soutiens étrangers car ils sont suspects pour les Américains. Mais là, c'est différent. Le staff de campagne est assez ouvert. Et surtout, Samuel a tourné son initiative de manière très positive", explique-t-elle. Elle sera ainsi l'un des orateurs de la conférence du mardi 3 juin.
Zachary Miller, l'organisateur des meetings pro-Obama pour les Américains de Paris, où le nombre de Français augmente progressivement, abonde dans ce sens. "L'image de la France a évolué depuis 2004. Et plus globalement, les Américains ont envie que le monde les aime à nouveau. Ces soutiens de l'étranger ne peuvent donc qu'être positifs, d'autant qu'Obama, contrairement à Kerry en 2004, répondra s'il est attaqué sur le sujet", souligne-t-il.
Quoi qu'il en soit, en se répandant dans le monde entier sans être limitée à la France, la tendance commence à étonner outre-Atlantique : Samuel Solvit a ainsi été cité dans un article du site internet de Fox News, qui répertoriait justement les soutiens mondiaux à Barack Obama.
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